samedi 15 janvier 2011

Kawasaki Museum

Aujourd'hui, pas d'article long, juste quelques infos en passant - il y a une rétrospective de films Art Theatre Guild au musée de Kawasaki ce week-end et les deux suivants. Aujourd'hui, un Shindô Kaneto  adapté de Shunkin, esquisse d'un portrait de Tanizaki sous le titre Sanka (讃歌) et Ongaku (音楽), de Mishima Yukio , adapté par Masumura Yasuzô. Le deuxième était nettement plus rigolo que le premier, psychanalyse à images coupantes, femmes-ciseaux et relations nécrophiles ou incestueuses contre amour courtois aveugle, shamisen, histoires de toilettes et fétichisme de pied.








A propos, le musée héberge aussi un kappa :

vendredi 14 janvier 2011

Dix Rêves - Natsume Soseki


Yume jû-ya (夢十夜, Ten Nights of Dreams, traduit par Alain Rocher dans Anthologies de nouvelles japonaises contemporaines t.2 en français) est un court recueil de Sôseki paru dans l'Asahi shinbun par épisodes en 1908, et depuis 2006 un film adapté de ces dix nouvelles, extrêmement courtes (résumés détaillés des courts métrages ici). Si le livre ne nous met pas vraiment face à un stream of consciousness digne de ce nom, du moins offre-t-il nombre d'images délicates ou extraordinaires, métamorphoses, transitions inexplicables qui participent d'une esthétique onirique certaine, et chacun de ces courts textes est un petit bijou - non exempt d'humour.

Le parti pris du film est d'offrir une lecture au-delà de l'œuvre - de reconstruire par l'image l'inconscient là où le texte reste malgré tout très narratif; pour avoir vu le film avant de lire le livre, il est effectivement dans ce cas particulier nettement plus pertinent de suivre l'ordre inverse, puisque si les histoires sont compréhensibles, les courts-métrages le sont parfois beaucoup moins, jouant de cette facilité du cinéma qu'est le montage pour construire chacun un univers esthétique distinct. Puisque la particularité de cette adaptation est en fait la suivante : chaque court-métrage "rêve" est pris en charge par un réalisateur différent.

On retrouve dont pêle-mêle Kon Ichikawa, Akio Jissoji, Masaaki Kawahara, Suzuki Matsuo, Miwa Nishikawa, Atsushi Shimizu, Yûdai Yamaguchi, Keisuke Toyoshima, Takashi Shimizu et Nobuhiro Yamashita. Ce qui fait à la fois la force du film, avec des réalisations qui forcent l'admiration et nous plonge véritablement dans l'inconscient qui entoure ces récits oniriques, et aussi sa faiblesse... D'une part, la diversité formelle, au-delà de la récurrence du personnage de Sôseki lui-même qui apparaît dans le film, empêche de repérer les éléments qui servent de leitmotivs au livre (les poissons rouges, les horloges, les enfants morts ou abandonnés).


  D'autre part, certaines de réalisations sont très clairement décevantes (je pense en particulier au parti pris douteux de la lecture moderne du rêve du sculpteur, qui inclut ici musique techno et costumes futuristes cheap, en plus des expressions verbales anachroniques et d'une voix-off secondée par l'apparition du texte en typo courrier sur un écran d'ordinateur vert).
L'animation d'Amano pourtant prometteuse s'avère surchargée par une surabondance de couleurs, un kitsch romantico-rococo (la jeune fille blonde transparente qui brille, le héros mystérieux) et une animation numérique lente un peu moche.



Les adaptations à peu près fidèles sont particulièrement réussies (celle d'Ichikawa, empreinte d'un esthétisme sobre, ou celle de Takashi Shimizu qui excelle dans les histoires d'enfants fantômes, comme on le sait tous :), ou de Miwa Nishikawa, qui fait montre d'un usage particulièrement intelligent du montage), d'autres beaucoup moins fidèles sont également jouissives:



celle de Yudai Yamaguchi fait usage d'un comique un peu grossier et de pas mal de références, ce qui ne me semble pas étranger à un Sôseki, admirateur de Sterne et de Swift (et puis après tout, les cochons lécheurs d'humain c'est son idée :/), et l'extrapolation monstresque de Toyoshima fait aussi son petit effet.

Yamashita nous offre un petit intermède sympathique sous forme de ver de terre domestique géant, à défaut de s'attaquer à la tâche cinématographique impossible de filmer de manière intéressante des reflets dans un miroir (et finalement, la juxtaposition de plans aussi invraisemblables les uns que les autres rend assez bien l'esthétique inachevée des reflets fugitifs entrevus par le personnage chez Soseki).

Quant à au premier rêve, réalisé par Jissoji, c'est de loin celui que j'ai préféré, l'atmosphère crépusculaire des surimpressions d'horloges, de temps cyclique et de poisson rouge mort ouvre de manière plus qu'opportune ces dix courts métrages, inégaux certes, mais qui valent tout de même le coup d'œil.



































dimanche 9 janvier 2011

Matsugane ransha jiken - 松ヶ根乱射事件 




Yamashita Nobuhiro nous offre ici une adaptation des Bandits d'Akutagawa Ryûnosuke (non publié commercialement en français me semble-t-il) qui si elle n'est pas fidèle est du moins réussie. Il conserve du récit lui-même quelques personnages : du gang de brigands constitué d'un couple de vieux (qui les dirige), deux frères qui convoitent la même femme Shakin, et Akogi, la fille adoptive des vieux, il nous reste donc surtout Akogi, la folle apathique violée par le vieux qui devient une apathique un peu retardée vendue par sa mère à tous les clients de son salon de coiffure, et les deux frères (l'un est dans la police, l'autre est le responsable de l'intrigue principale du film - un accident de la route avec délit de fuite). Le reste de la distribution (tout comme les brigands qui sont en fait réduits à un seul couple, étranger au reste du village où se déroule l'action) est éparpillé au gré des nombreux personnages qui apparaissent dans le film. Yamashita se joue des conventions génériques avec la scène d'ouverture où la femme du couple de brigands est découverte inanimée dans la neige, après un accident de voiture : au moment où le film de genre s'installe autour du corps nu de la jeune femme avec les deux policiers, l'un deux réalise en fait qu'elle est...vivante. Début d'une intrigue chaotique où le couple, à la Bonnie and Clyde, fait chanter le plus jeune frère (pas le flic, donc), essaie de fondre des lingots d'or, (re)trouve une tête au fond d'un lac, et où on découvre que tout le village a participé à l'engrossement de l'Akogi du film. Tout ça d'un ton léger, où les enfants tripotent les cadavres, les scènes érotiques se cristallisent dans des gros plans de cuisse de sanglier crue et saignante, les scènes dramatiques de chantage par un frère qui sautille à pied joints nu dans la neige, ou par un pet de côté guilleret du bandit, et où finalement, la peinture acerbe d'Akutagawa, réalisée maladroitement avec des relents de romantisme béat (oui oui, tout au fond là, dans l'amour fraternel et la rédemption par la maternité, derrière le "livre d'images bon marché pour enfant" de serpent mort, de jalousie, de viol et de meurtre - lettre d'Akutagawa à Matsuoka Yuzuru), trouve ici une expression, certes déviée par un peu d'humour débile, mais du moins pleine et entière, surtout dans le rebondissement pénultième et la jolie scène de fin (que je vous laisse le soin de découvrir...).