dimanche 22 avril 2012
Laissé à l'abandon par la force des choses suite à d'autres projets qui finissent de prendre forme, ce petit espace de notes et de traductions littéraires diverses ne quitte cependant pas mon esprit. Bientôt, un petit portrait de Kitahara Hakushû, et d'autres poètes de Taishô suivront, je l'espère. En attendant, la bande-annonce de cette excellent "documentaire" sur Dazai Osamu, "La Vie murmurée", sous forme de promenade nonchalante tokyoïte prétexte à de belles et étranges rencontres, que j'ai eu le plaisir de chroniquer il y a déjà quelques temps.
jeudi 26 janvier 2012
Akutagawa Ryûnosuke - Souvenirs
1 – Poussière
Mon premier souvenir remonte, en comptant à
l’ancienne[1],
à mes quatre ans. Même si ce n’est pas un souvenir très important. C’était
juste un charpentier, juché sur une échelle ou autre chose, qui frappait le
plafond avec un marteau, et du plafond tombaient des nuages de poussière –
c’est cette scène dont je me souviens.
C’était au moment où l’on détruisait
l’ancienne maison où habitaient depuis Edo[2]
mon grand-père et mon père. A l’automne de mes quatre ans, en comptant à
l’ancienne, j’emménageai dans une maison neuve. Cette maison a donc du être
détruite au printemps, peut-être tardif, de cette année.
2 – Stèle funéraire
Sur l’autel
bouddhique de ma maison, devant les petites stèles funéraires de mes
grands-parents, et devant celle de mon oncle, il y a avait une stèle plus
grande. C’était celle de mes arrières grands-parents, décédés pendant l’ère
Tenpô[3].
Depuis l’instant où ma conscience s’est éveillée, cette stèle recouverte de
feuille d’or noircie m’inspirait de la crainte.
D’après ce que
j’entendis par la suite, bien que mon arrière grand-père fut bonze[4]
chez un seigneur, il vendit ses deux filles comme courtisanes. De plus, mon
arrière grand-père et mon arrière grand-mère étant souvent absents de chez eux,
lorsqu’il n’y avait plus rien à brûler à la maison, ils prenaient une petite
hache et saccageaient la véranda pour en faire du bois de chauffage.
3 – Arbres du
jardin
Dans le jardin
de ma nouvelle maison étaient plantés du houx, des kaya[5],
des mokkoku[6],
des kakuremino[7],
des chimonanthes, des aralias[8]
et, des pins à cinq aiguilles. Parmi ces arbres, j’aimais tout particulièrement
un des chimonanthes. Mais je ressentais à l’endroit des seuls pins une sorte de
malaise.
[1] C’est-à-dire qu’un enfant, quand il naît, a déjà un an.
[2] Ere d’Edo : 1600 - 1868
[3] 1830-1844
[4] 奥坊主 : titre sous Edo, qui désigne un
bonze chargé de la réception et du service du thé chez un shogun ou un
seigneur.
[5] Torreya nucifera, conifère à
croissance lente originaire du Japon méridional, dont le bois est utilisé pour
la fabrication des plateaux de go.
[6] Ternstroemia gymnanthera
[7] littéralement, « manteau d’invisibilité », nom
scientifique : dendropanax
[8] plus précisément, aralia japonais, ou faux aralia, nom
scientifique : fatsia japonica.
jeudi 19 janvier 2012
Du sens du suffixe « isme » - Akutagawa Ryûnosuke
Rien de tel qu'un peu de théorie pour ouvrir l'année.
AKUTAGAWA Ryûnosuke
Du sens du
suffixe « isme »
(depuis Aozora Bunko)
L’ajout de
« isme » est-il vraiment nécessaire ? Cette question m’a été
posée, mais à dire vrai, je n’ai malheureusement pas lu la thèse de Monsieur
Iwano Hōmei, qui semble y être profondément liée. Donc ma réponse risque de ne
pas correspondre à ce qu’en attendent les rédacteurs ou les lecteurs de Shinchō.
A dire vrai je
ne saisis pas très bien la nature de ce problème. Le sens de « isme »
et le sens de «nécessaire », quand j’y pense, me semblent biaisés en
quelque part. Et même si je tente une
explication brève à partir du savoir commun, qu’est-ce que l’ajout de « isme » ?
Cette question me semble aussi complexe en bien des endroits.
Et en ce
moment, doit-on tous éprouver le besoin d’être naturalistes ou
romantiques ? Si l’on en considère le sens commun, il est bien évident que
non. Ou plutôt, il faut dire que c’est une conversation qui ne peut avoir lieu.
Originellement, ce « isme » a été inventé pour des questions de convenance
par les critiques, il n’y a donc pas de raison qu’il puisse recouvrir
l’entièreté des inclinations de nos sentiments ou de notre pensée. Il n’est
peut être pas nécessaire de décrire en quoi il ne peut tout recouvrir. (De
plus, s’il ne peut tout recouvrir, il y a des cas où, quand il exprime une part
remarquable, le critique est autorisé à coller cette étiquette en
« isme ». Puis il y a des cas où il n’y est pas autorisé, où ce n’est
pas bienvenu. Cela a été débattu il me semble par Monsieur Ikuta Chōkō.)
Et si l’on
renverse le sens de ce « isme », et qu’on donne le nom d’un
« isme » à l’entière inclination de son activité intérieure, ce
problème disparaît avant même qu’on ait sollicité sa résolution. Dans ce cas,
le fait de coller un nom à ce « isme », et d’en faire son enseigne,
on ne peut évidemment pas dire que ce soit nécessaire.
Et si, enfin,
l’on tente de décrypter le
« isme » comme l’argument principal d’une idéologie quelconque, à ce
cas-ci également on doit pouvoir répondre la même chose que ci-dessus.
Simplement, si
l’on ajoute en quelque part au sens du terme de « nécessité » un côté
« pratique » pour soi et les autres tout à la fois, on peut probablement
dire quelque chose de complètement différent. Dans ce cas, il vaudrait sans
doute mieux que je me taise. Puisque, pour conclure, moi, qui n’ai aucun lien
avec une quelconque revendication de « isme », je ne fais pas clairement
ressortir son côté pratique.
Mai 1918
Inscription à :
Articles (Atom)