mardi 7 juin 2011

Portrait #1 : Uchida Hyakken - 内田百間

Écrivain disciple de Sôseki, ami d'Akugawa, Uchida Hyakken (1889-1971) a longtemps été négligé par l'histoire littéraire et occupe aujourd'hui une place un peu à l'ombre de ses contemporains de Taishô - sans doute du à sa longue vie, et au caractère trop diversifié de ses œuvres, ainsi qu'il s'ensuit naturellement sur une longue période, mais aussi à ses débuts littéraires difficiles : les épreuves de Meido (Le Royaume des Morts), son premier recueil de nouvelles, disparaissent dans le grand tremblement de terre de 1923, et même l'appui d'Akutagawa ne fait rien à la réticence de l'éditeur à réimprimer le texte, qui ne sera réédité que beaucoup plus tard. De ce premier recueil à tonalité fantastique, le reste de l'écriture de Hyakken gardera un certain goût de l'étrange, tout en abandonnant progressivement l'écriture à la première personne fictionnelle pour une position plus ambivalente, où un "je" plus personnel, plus proche de l'auteur, opère au sein de zuihitsu qui gardent pourtant leur distance avec l'autobiographie, conservant toujours en quelque endroit une marge de fictionnalité qui font leur originalité (voir Rachel Di Nitto, auteur de From the Autobiographical to the Surreal : the Early Fiction and Zuihitsu of Uchida Hyakken, qui a aussi eu la bonté et l'excellente idée de publier une traduction de Realm of the Dead, et Triumphant March into Port Arthur). Exposition sur Tokyo en ce moment, et traductions sur ce blog à venir.

 Realm of the Dead




 From the Autobiographical to the Surreal : the Early Fiction and Zuihitsu of Uchida Hyakken 
 disponible en téléchargement ici 


Rachel Di Nitto, Uchida Hyakken : a Critique of modernity and Militarism in Prewar Japan

vendredi 20 mai 2011

ドグラマグラ - Dogra Magra

Dogra Magra, ecrit par Yumeno Kyûsaku 夢野久作 (1889-1936) entre 1926 et 1935, est une bizarrerie littéraire en forme de roman fou qui aime parler comme un roman policier, se faire passer pour un document psychiatrique, évoquer un peu de bouddhisme magique au gré de contes horrifiques de la Chine ancienne, embrouiller son lecteur et le mettre sans lui demander son avis à la place du personnage principal qui cherche son nom en se frappant la tête, courant derrière son amnésie comme un chat qui cherche à attraper sa queue, tout ça par le biais d'une fantaisie de monologue qui n'aime rien tant que bouleverser régulièrement toutes les certitudes tant de celui qui le prononce que de celui qui l'écoute au moyen de textes enchâssés, de dialogues ambigus, et de jeux sur le langage en forme d'images magico-miragique et de sons ensorcellifiants.
Traduction fabuleuse de Patrick Honnoré chez Philippe Picquier

Site du préfacier,P. Malpa

Et quelques images alléchantes de couvertures japonaises:







L'affiche du film de 1988

mardi 8 mars 2011

Kawasaki Museum (2)


Le premier film de la trilogie de Taishô de Suzuki Seijun, Zigeunerweisen, est passé au musée de Kawasaki il y quinze jours. C'était un peu trop long pour une séance sans sous-titres, du coup je crois bien que je n'ai pas vu le milieu... Mais c'était en tout cas un très beau film, avec des plans et des couleurs comme toujours très suprenants. J'ai hâte de lire les livres de Uchida Hyakken dont est tiré  ce film.



J'en ai aussi profité pour voir les expositions (qui sont toutes gratuites) du musée - il y avait entre autres une salle consacrée à Uno Akira, artiste qui faisait les affiches des films et des pièces et les illustrations de livres de Terayama Shuji. 
Très bien, ce musée, vous dis-je.



jeudi 3 mars 2011

Asakusabashi

Aujourd'hui 3 mars, c'est la Hina matsuri, fête des poupées (et fête des filles donc. logique implacable oblige). Sur les bons conseils d' Enjoy Tokyo, je me suis donc rendue allègrement à Asakusabashi, où devait avoir lieu une petite manifestation sous forme de poupées qui flottent sur le canal tout proche, dans la journée. Sans heure indiquée. En l'occurence, à 15h45, il n'y avait plus rien, donc j'ai profité du magnifique ciel gris et du froid hivernal pour prendre quelques photos de ce quartier très Shitamachi avec un poil de bizarrerie étrangéifiante.













jeudi 17 février 2011

Portrait #0 : MAVO






Collectif d'artistes fondé en 1923,  inspiré de dada, de Nietzsche, Mavo réunit autour d'un Murayama Tomoyoshi fraîchement revenu d'Allemagne et de son constructivisme conscient des artistes avant tout peintres, mais pas que, à la pointe de l'avant-garde de l'époque. Après le tremblement de terre du Kantô, ils seront les auteurs de nombreuses façades de bâtiments, des "baraques" éphémères dont l'esthétique n'est pas très éloignée de celle du docteur Caligari.
Murayama, qui partageait avec sa femme et les artistes de Mavo sa coupe de cheveux okappa, fut peintre mais également danseur, décorateur de théâtre, et fauteur de trouble.

Gennifer Weisenfeld : MAVO, Japanese Artists and the Avant-Garde



Il semble qu'une revue de manga a repris le titre et l'esprit du graphisme du titre de la revue MAVO pour des raisons qui me demeurent obscures...

lundi 7 février 2011

Madame de Sade - TNP Lyon

Parce que même si ce n'est plus d'actualité, il est toujours temps de dire du bien d'une pièce de théâtre. Je dois avouer être allée voir cette pièce de Mishima par curiosité, sans a priori puisque je n'avais lu de lui que quelques romans - dont je pense le plus grand bien, excepté que je lui trouvais un cruel manque de subtilité quant à son style...
Et c'est sur la scène du TNP que j'ai compris. Je ne sais pas jusqu'à quel point la traduction française joue dans cette affaire, mais la grandiloquence, du sublime au grotesque, le langage outré de figures de style, alambiqué, parfois presque pompier, tout cela prend sens dans la bouche des marionnettes dix-huitiémistes de Mishima, et rarement une expérience théâtrale ne m'a été si précieuse et si marquante. Les costumes et la mise en scène du TNP n'étaient pas en reste, accumulant perruques invraisemblables, paniers surdimensionnés sur la scène presque nue, tout comme le langage de Mishima laisse entrevoir la fatigue sous les fleurs du style et le vice caché, excusé, pardonné, triomphant et pourtant - la fin de la pièce reste floue dans ma mémoire mais - épuisant, et épuisé par tout ce langage qui tourne autour du vide, de l'absence du Marquis.
La mise en scène était de Jacques Vincey. Si vous tombez sur une nouvelle représentation, ne la manquez sous aucun prétexte...

Entrée du TNP, Villeurbanne, 01.2010