jeudi 6 octobre 2011

Yūshūkan (遊就館)8



Je montais la colline de Kudan. Le ciel, coupé en deux par le grand torii[1] était aussi bleu que la mer. Le feuillage et les troncs des cerisiers alignés de chaque côté étaient imprégnés de lumière.
Je foulais les pavés balayés avec soin, et me retrouvai devant l’entrée du Yūshūkan.
« Viens par ici » me dit-on à voix basse.
Surpris, je regardais autour de moi, et de l’autre côté des pavés se tenait un gendarme. Lorsque mon regard arriva à sa hauteur, il dit une seconde fois de la même voix « Viens par ici ».
Cependant, en même temps qu’il disait cela, pas un seul trait de son visage ne bougeait. Il fit mine d’avancer le pied gauche, toujours dans la même posture qu’auparavant, droit comme une statue.
Un jeune garçon qui portait à la main une casquette et semblait vouloir de faufiler de mon côté, tout en tirant son vélo, se découragea et se rapprocha du gendarme.
Le gendarme se retourna vivement.  Puis, ayant l’air d’encourager le jeune garçon, il finit par s’avancer.
Moi, à l’entrée, je me demandais ce que je devais faire.
Une fois que je serai passé à l’intérieur, je serais sûrement soulagé.  Je savais qu’il n’y avait rien que je puisse craindre à ce point.
Même s’il était de plus en plus évident que je n’avais aucune raison de m’inquiéter,  ou peut-être à cause de cela, je n’y étais pas très enclin.
J’entrais cependant.
L’intérieur était plus étroit que je ne le pensais, et très lumineux. Je passais comme en courant entre les arcs et les flèches, les drapeaux, les armures alignés.
Il n’y avait qu’une grande vitrine.
Des poupées à taille humaine présentaient les uniformes militaires d’autrefois.
Quand je passais devant les centaines de lames nues exposées, mon visage et mes mains m’apparaissaient saccadés.
Précipitamment, je quittais l’espace de la vitrine d’exposition.
Couvert d’une blouse qui ressemblait à un manteau de pluie, chaussé de sandales tressées à semelles de bois, le gardien, l’œil suspicieux, me dévisageait.
Je quittai l’espace où se trouvaient les fusils, passait devant les canons décorés, et alors  que j’arrivais vers la sortie, j’entrevis quelque chose d’horrible.
Précisément à l’endroit gagné par les ombres, où la lumière parvenait mal, se trouvait une vitrine excessivement grande. À l’intérieur, cinq ou six poupées habillées d’uniformes militaires se tenaient debout. Cependant, ni la taille, ni l’aspect, rien ne laissait penser qu’il s’agissait bien de poupées. Les mains et le visage qui seuls dépassaient étaient d’un drôle de jaune.
J’eus une soudaine envie de vomir.
Je me précipitais à l’extérieur ; le gardien de la porte de sortie, le regard à l’affût, me dévisageait.


[1] Construction constituée de deux piliers surmontés d’une pièce horizontale, généralement en bois peint en rouge qui marque l’entrée d’un temple shintō.

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