Je montais la colline
de Kudan. Le ciel, coupé en deux par le grand torii[1]
était aussi bleu que la mer. Le feuillage et les troncs des cerisiers alignés
de chaque côté étaient imprégnés de lumière.
Je foulais les pavés
balayés avec soin, et me retrouvai devant l’entrée du Yūshūkan.
« Viens par
ici » me dit-on à voix basse.
Surpris, je regardais
autour de moi, et de l’autre côté des pavés se tenait un gendarme. Lorsque mon
regard arriva à sa hauteur, il dit une seconde fois de la même voix
« Viens par ici ».
Cependant, en même
temps qu’il disait cela, pas un seul trait de son visage ne bougeait. Il fit
mine d’avancer le pied gauche, toujours dans la même posture qu’auparavant, droit
comme une statue.
Un jeune garçon qui
portait à la main une casquette et semblait vouloir de faufiler de mon côté,
tout en tirant son vélo, se découragea et se rapprocha du gendarme.
Le gendarme se
retourna vivement. Puis, ayant l’air
d’encourager le jeune garçon, il finit par s’avancer.
Moi, à l’entrée, je me
demandais ce que je devais faire.
Une fois que je serai
passé à l’intérieur, je serais sûrement soulagé. Je savais qu’il n’y avait rien que je puisse
craindre à ce point.
Même s’il était de
plus en plus évident que je n’avais aucune raison de m’inquiéter, ou peut-être à cause de cela, je n’y étais
pas très enclin.
J’entrais cependant.
L’intérieur était plus
étroit que je ne le pensais, et très lumineux. Je passais comme en courant
entre les arcs et les flèches, les drapeaux, les armures alignés.
Il n’y avait qu’une
grande vitrine.
Des poupées à taille
humaine présentaient les uniformes militaires d’autrefois.
Quand je passais
devant les centaines de lames nues exposées, mon visage et mes mains
m’apparaissaient saccadés.
Précipitamment, je
quittais l’espace de la vitrine d’exposition.
Couvert d’une blouse
qui ressemblait à un manteau de pluie, chaussé de sandales tressées à semelles
de bois, le gardien, l’œil suspicieux, me dévisageait.
Je quittai l’espace où
se trouvaient les fusils, passait devant les canons décorés, et alors que j’arrivais vers la sortie, j’entrevis
quelque chose d’horrible.
Précisément à
l’endroit gagné par les ombres, où la lumière parvenait mal, se trouvait une
vitrine excessivement grande. À l’intérieur, cinq ou six poupées habillées
d’uniformes militaires se tenaient debout. Cependant, ni la taille, ni
l’aspect, rien ne laissait penser qu’il s’agissait bien de poupées. Les mains
et le visage qui seuls dépassaient étaient d’un drôle de jaune.
J’eus une soudaine
envie de vomir.
Je me précipitais à
l’extérieur ; le gardien de la porte de sortie, le regard à l’affût, me
dévisageait.
[1]
Construction constituée de deux piliers surmontés d’une pièce horizontale,
généralement en bois peint en rouge qui marque l’entrée d’un temple shintō.
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